Le test du contraste de phase ou test de Lyot

Le contraste de phase est une méthode de test qualitatif de l’état de surface microscopique des miroirs  inventée par Bernard Lyot à partir des travaux pour la microscopie de Zernike. Il est d’ailleurs couramment appelé test de Lyot par les Anglo-Saxons. Ce test repose sur une utilisation très astucieuse des interférences.

Comme nous l’avons évoqué dans les critères de qualité optique, l’état de surface microscopique (ou rugosité) d’un élément optique est très important pour la qualité de l’image obtenue à cause de la diffusion de la lumière qu’il introduit. Les défauts qui causent cette diffusion sont de l’ordre de quelques nanomètres ou micromètres en étendue.

Il faut noter qu’aucune des méthodes de mesure présentées précédemment ne caractérise pourtant cette rugosité. Ces méthode analysent seulement la forme macroscopique de l’optique, soit les défauts d’une taille de quelques millimètres d’étendue tout au plus. En effet, la fréquence spatiale des défauts constatés par exemple sur l’interféromètre est basse et dépend de la résolution du test, de quelques centaines à quelques dizaines de milliers de points.

De plus, l’interpolation de la surface optique ou du front d’onde sous la forme d’un polynôme de Zernike lisse considérablement la surface obtenue pour n’en retenir que les défauts de très basse fréquence spatiale. Pour rappel, il suffit de trois points de mesure sur le rayon d’une optique pour obtenir l’aberration sphérique de 3eme ordre !

Mesurer les défauts de haute fréquence spatiale, et donc la rugosité, demande des équipements complètement différents qui sont plutôt du ressort de l’analyse des matériaux : stylets ou microscope à effet tunnel. Ces équipements permettent de mesurer des rugosités d’ordre de grandeur atomique, soit quelques Angströms. La disponibilité de ces équipements étant inversement proportionnelle à leur coût très élevé, l’utilisation d’une méthode simplement qualitative comme celle de Lyot permet de généraliser le contrôle de la rugosité.

La cause de la diffusion est triviale : lorsque la lumière est reflétée par un miroir ou transmise par une lentille, une partie est diffusée par les défauts de haute fréquence spatiale. Ces défauts sont inévitables pour une surface dite « fragile » comme le verre a contrario d’une surface métallique.

La diffusion

Une partie de la lumière est donc diffusée et va éclairer bien au-delà de la limite de la tâche de diffraction. La conséquence va être d’une part une perte d’énergie dans la tâche d’Airy (PSF), et d’autre part un signal de fond dû à cette diffusion, qui va noyer les signaux les plus faible et faire baisser le contraste global de l’optique.

Le test du contraste de phase permet de mettre en évidence cette diffusion et même de visualiser l’origine de cette diffusion : les défauts microscopiques.

Le test de Lyot repose sur le même principe que le test de Foucault avec une fente lumineuse qui éclaire le miroir. Le couteau de Foucault est remplacé par une lame de phase. Cette lame de phase est une lame de verre présentant un trait opaque ; ce trait de largeur identique ou légèrement supérieure à celle de l’image de la fente lumineuse bloque donc sa lumière.

Trait et fente lumineuse

En principe, l’observateur placé derrière la lame ne doit rien voir. A cause de la diffusion, ce n’est pas le cas, puisqu’une partie de la lumière est suffisamment déviée pour passer à coté du trait.

 Diffusion

Note : le schéma ne présente qu’un rayon pour plus de lisibilité, mais c’est bien sûr l’ensemble de la surface du miroir qui est illuminée par la fente.

En pratique un simple montage comme celui-ci ne permet de voir qu’un halo dû à la diffusion. Pour voir plus de détail sur ce qui provoque cette diffusion, il faut introduire des interférences.

Le trait sur la lame est dans ce but partiellement opaque, de manière à ramener la luminosité de l’image de la fente au niveau de celle de la lumière qui est diffusée et passe à coté du trait. En général l’ordre de grandeur de l’atténuation est de 1 pour 1000. De plus, le trait introduit un décalage de phase de l’ordre d’un ¼ de phase (soit 90° de décalage). Ce décalage permet à la lumière réfléchie d’interférer avec la lumière diffusée. En effet, la lumière de diffusion a vu sa phase modifiée par rapport au faisceau de retour « direct » à cause du trajet différent qu’elle a suivi. Ce trajet est évidemment lié à la topologie des défauts de rugosité de l’endroit sur le miroir où le faisceau a été réfléchi. Aussi les interférences entre le retour principal et la lumière diffusée vont mettre en évidence cette topologie de la surface du miroir et révéler des défauts de haute fréquence de l’ordre du nanomètre.

Test de Lyot avec une lame en partie transmissive

En pratique, la lame de phase est constituée d’un dépôt de métal sur une lame de verre, ou d’un film photographique à grain très fin comme le Technical Pan partiellement exposé pour donner un trait de l’ordre d’un demi millimètre de large.

L’image suivante montre une vue du même – mauvais- miroir à travers le Foucault et le Lyot. Nous pouvons constater que les défauts mis en évidence sont de fréquence spatiale basse dans le cas de Foucault, et élevée pour le test de Lyot.

Comparaison Foucault/Lyot

Avantages du test de contraste de phase

  • – Fabrication peu couteuse
  • – mise en œuvre très simple et rapide
  • – donne une vue précise des défauts de haute fréquence spatiale
  • – seul test accessible à tous permettant l’analyse de l’état de surface.

Inconvénients

  • – La lame de phase est introuvable dans le commerce et doit être fabriquée
  • – test uniquement qualitatif.